lundi, 07 février 2011

Boeuf mironton

 

boeuf mirontonBah ! Pas envie de rire aujourd'hui mais envie de se souvenir d'elle.

Elle, c'était la grand-mère du chéri de la Cocotte. La Cocotte l'a rencontrée un jour de l'An, il y a un quart de siècle. On a mangé de l'andouille ce jour-là. C'était elle qui l'avait préparée, loin de sa cuisine, dans le fond de la maison, dans sa pièce exprès pour les plats qui mijotent et qui embaument pendant toute une semaine le reste de la maison, dans sa buanderie, dans ses énormes marmites. Une andouille de Bertry, qui mesure plus d'un mètre, qu'on fait cuire des heures durant dans un bouillon avec du chou, des carottes...une andouille ficelée qu'on mange avec une bonne dose de moutarde.

Elle parlait une langue dont la Cocotte ne comprenait que quelques bribes, son patois à elle avec des « che » partout et des « l » qui disparaissent, « Ch'est chou qu'eut' veux, eum'fil ? ». Elle était la reine de la tarte au chuc, plutôt la reine du chuc à la tarte. Il fallait chercher la pâte à tarte sous la couche de sucre et de crème, elle était la reine du  pâté de lapin. Elle était aussi la reine du rassacache, un pot-au-feu version cochon, chou et gros haricots. Un truc léger, qui tient au corps pour au moins 5 jours ! Elle faisait toujours les mêmes plats. A quoi bon changer puisque c'était toujours bon !

Sous son évier, elle entreposait des kilos de sucre, de farine, de savon, lointain souvenir d'un temps de manque et de bruits de bottes. Quand elle changeait de nappe dans la cuisine, elle ne jetait pas l'ancienne mais mettait la nouvelle par dessus et glissait quelques billets entre les couches, au cas où... Quand on lui parlait, on devait hurler nos mots, son ouïe endommagée par le claquement infernal des métiers à tisser. Et elle, elle faisait claquer ses baisers.

On l'a appelée Maman puis Mamie puis Granny. Depuis 10 ans, sa tête partait doucement et ses souvenirs aussi. Elle changeait nos prénoms et les remplaçait par ceux du passé. Elle a fait comme dans la chanson de Jacques Brel, elle n'a plus bougé, ses gestes avaient trop de rides, son monde était trop petit, du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit.

Quand elle est morte, ce siècle avait 11 ans et elle, 102.

Cette recette est pour elle.

Bœuf mironton

De l'art d'accommoder les restes d'un pot-au-feu dominical : Le bœuf mironton tout simplement. Avec beaucoup d'oignons et pour ceux qui veulent, des cornichons.

Pour 6 personnes

Ingrédients : 800 g de bœuf bouilli, 50 g de beurre, 3 gros oignons, 2 ou 3 càs de farine, 5 cl de vinaigre de vin, 50 cl de bouillon de bœuf, sel, poivre, du persil plat et de la chapelure.

Préparation : 10 mn – Cuisson : 25 mn – Coût : * - Difficulté : *

Préchauffez le four à 180°c, en position grill. Épluchez les oignons et découpez-les en fines rondelles. Dans une casserole à fond épais, faites fondre le beurre et faites revenir les oignons. Laissez-leur le temps de devenir transparents.

Ajoutez la farine pour faire un roux puis mouillez petit à petit avec le bouillon. Quand la sauce est encore un peu liquide, versez les 5 cl de vinaigre. Salez et poivrez et terminez par le persil plat.

Découpez le bœuf bouilli en tranches fines. Disposez-les dans un plat à gratin ou des petits cocottes individuelles. Couvrez de la sauce puis saupoudrez de chapelure. Faites gratiner au four pendant 10 mn. Accompagnez de pommes de terre sautées.

Conseils : Si vous voulez renforcer le goût du vinaigre, ajoutez des câpres et des rondelles de cornichons à votre sauce. Et si vous aimez vraiment les oignons, vous pouvez en déposer quelques rondelles sur la chapelure juste avant de passer votre plat au four.

07.02.2011

Commentaires

Le parfum de ses brioches s'est dissipé depuis si longtemps, le moelleux de ses "racouverts" (on dirait "apple pie" de nos jours) est rangé parmi les très bons et trop vieux souvenirs, les coqs de son poulailler, lentement rôtis, ne seront pas remplacés.
Je me souviens encore d'être allé, une fois au moins, la chercher à l'usine, à la fin de sa journée passée à contrôler les pièces de tulle qui sortaient des métiers. Mais c'est surtout le souvenir d'une grand-mère tendre et espiègle que nous garderons. Nous l'aimions, de trop loin peut-être.
Merci la Cocotte pour ces superbes lignes.

Écrit par : Franck | lundi, 07 février 2011

Merci pour la nouvelle recette pour accomoder les restes de pot au feu mais aussi pour les souvenirs que ça évoque : ma grand mère et mon arrière grand mère (qui a vécu presque tout aussi longtemps que la grand mère du chéri de la cocotte): elle avait une maison de courée en 'deux morceaux' : la cuisine était séparée de la salle à manger par le ruelle!!

Écrit par : Marise | lundi, 07 février 2011

Merci...

Écrit par : Stephane Bazin | lundi, 07 février 2011

Le talent c'est de savoir faire rire mais aussi de savoir transmettre ses émotions....

Écrit par : Viviane | lundi, 07 février 2011

J'ai envie moi aussi de me souvenir de cette grand-mère qui n'était pas la mienne et que je n'ai jamais connue ... Merci de nous faire partager ce bout de 102 années de vie...

Écrit par : clairez | lundi, 07 février 2011

c'est beau..c'est là qu'on apprécie internet..bises à la famille

Écrit par : claeys daniele | jeudi, 24 février 2011

merci pour la rectte la meme que faisait ma grand mere et ma mere ,et merci pour l'emotion ,vous avez un talent d'ecrivain !!!

Écrit par : mangourny danielle | dimanche, 13 novembre 2011

Les commentaires sont fermés.