lundi, 17 mai 2010

Le sacrifice du croûton

P1170569b.jpgChez vous, quand la famille est réunie autour d'un poulet, qui demande la peau, le blanc, l'aile ou la cuisse ?

Et de ce poulet, dans quelle assiette finit la carcasse ? Qui se jette sur le cou, le croupion, le foie ou le gésier ? Qui a le privilège du sot-l'y-laisse ?

Qui aime l'os à moelle du pot-au-feu ? Qui récupère la peau du lait chaud ?

Sur un oeuf dur, y'a t-il chez vous des gens qui ne mangent que le jaune et d'autres que le blanc ?

Qui trempe son pain dans la poêle à steak et se régale de la sauce ? Qui prend l'entame d'un rôti ?

Avez-vous remarqué qu'au sein de la famille, toutes ces répartitions alimentaires mettent des années à s'établir ? Au début, il y a le couple, à lui le fromage gratiné sur un plat d'endives, à elle les endives.

A lui, l'ail du rôti, à elle, les p'tits morceaux qui bardent la viande... Puis quand les enfants arrivent, il faut se sacrifier et donner un peu de ce qu'on aime, même si un droit d'aînesse s'institue tout naturellement.

Si on ne peut plus imposer son autorité en tant que parent pour récupérer l'os à moelle, à quoi ça sert de faire des enfants ?

Si vous êtes en bons termes avec votre boucher, il vous donnera plusieurs os à moelle et le problème sera résolu.

On met toute une vie à trouver ces solutions, à contenter toute la famille, à tout faire pour que le repas se passe au mieux.

Mais quand un étranger à cette famille vient perturber cet ordre établi depuis plus de 20 ans, que se passe t-il ?

Samedi, chez la Cocotte, deux personnes supplémentaires étaient à table, une petite blonde au visage de gamine, qui sourit en permanence et son amoureux, un clone de John Cleese, même dégaine, même humour, même pays... Le dîner était parfait, les discussions vives et cordiales,  les interventions des uns et des autres toujours pertinentes quand tout à coup, l'amoureux demande, avec son accent anglais délicieux : «Je peux prendre le croûton ? ».

Là, 4 paires d'yeux familiers à la Cocotte se tournent vers elle, justement, attendant avec effroi sa réponse. Oui, tout le monde sait bien que dans la famille, c'est la Cocotte qui prend le croûton.

Vous savez, celui de la baguette un peu trop cuite, qui croustille affreusement, qui fait plein de miettes et qui est absolument irrésistible avec un petit peu de beurre au sel de Guérande...

Et là, avec son petit air angélique, il insiste : « Chez nous, c'est toujours moi qui le prends ! Je peux ? »

« Va, elle te le donne la Cocotte, ce croûton qui te fait tant envie, ce croûton qui aura ce petit goût amer du trop-cuit, comme tu dis !. Prends-le, car tu es mon ami, mon compagnon ! » C'est ça, l'amitié. Étymologiquement, un compagnon n'est-il celui avec qui on partage le pain ?

« Tiens, prends-le ce croûton, tu pourras saucer ce plat succulent et tu pourras même récupérer les navets.

Les navets, c'est pas la tasse de thé de la Cocotte ! »

 

Il vous faut :

500 gr de sauté de porc

1 oignon

un peu de farine

de l'eau

thym, laurier, sel et poivre

une botte de navets nouveaux

 

P1170546b.jpgDétaillez en lamelles épaisses les morceaux de porc.

Dans une cocotte, faites revenir ces lamelles dans un peu de matière grasse.

Ajoutez l'oignon finement ciselé, le thym, le sel et le poivre puis terminez par une belle cuillère de farine. Allongez avec de l'eau pour lier votre sauce.

Lavez les nouveaux navets. Vous n'êtes pas obligé de les éplucher. Mais en les épluchant, vous enlèverez quand même un peu de l'amertume de ce légume.

Déposez-les dans la cocotte, couvrez et laissez cuire ce petit ragoût pendant une quarantaine de minutes. Au besoin, ajoutez un peu d'eau et c'est tout !

Invitez des amis et partagez ce plat ainsi que votre pain.

Et vous, c'est quoi votre croûton à vous ?