jeudi, 23 février 2012

Cassolette de barbe de capucin

barbe de capucin, cassolette, GAEC Patinier, Laventie, catiches, Faches-ThumesnilPour me trouver il faut mettre des bottes, ne pas être claustrophobe et descendre sous terre, dans un décor de cathédrale de roche, dans les carrières de craie qui ont servi dès le XVIIe siècle à la construction des belles maisons bourgeoises de la métropole lilloise. La légende raconte qu’un moine capucin m’aurait jetée dans un des trous formés pour l’extraction de la craie et qu’au bout d’un certain temps  je serais apparue.
Tout comme ma petite-fille, l’endive, ma base est une carotte qui pousse en plein champs. Ensuite on me met à l’ombre et on démarre ma récolte au mois de novembre. Je pousse jusqu’au mois de  mars, dans le noir, en milieu très humide, dans une température constante de   11 ou 12 degrés. Tous les huit ou quinze jours, une petite équipe de dos courbés vient m’effeuiller, telle une marguerite mais les dos se relèvent à passionnément, ils ne vont pas plus loin. Ils me laissent atteindre la taille de 40 cm. Je suis blanche et jaune, je suis très amère. On me cuisine comme l’endive, en gratin, en salade, à la poêle avec de l’échalote, de la crème fraîche…
Au sortir de la seconde guerre mondiale, on pouvait encore trouver une cinquantaine de producteurs qui me faisaient pousser, mais plus maintenant. Ma culture est jugée dangereuse. Parfois les carrières appelées catiches s’effondrent. Si c’est sur moi, ce n’est pas trop grave. Mais si c’est sur des gens, là, c’est autre chose.
Il ne reste même pas deux producteurs désormais. Dans quelques années, on ne me trouvera peut-être plus du tout. Alors on me pleurera et on se dira « c’était mieux avant ! »
Oui, c’était mieux avant quand je représentais ma région, fière comme pas deux. On me reconnaissait et on m’appelait du doux nom de barbe de capucin.
Si vous n’en demandez pas à votre marchand de légumes, je vais disparaître. Et franchement ce serait dommage car, c’est pas pour me vanter, mais je suis vraiment bonne.

Cassolette de barbe de capucin
Si vous ne trouvez pas de barbe de capucin, faites un sit-in devant l’étal du marchand. Et hurlez « On veut de la barbe de capucin. On veut de la barbe de capucin ! »

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Pour 6 personnes
Ingrédients : 300 g de feuilles de barbe de capucin, 2 morceaux de sucre, 3 poireaux, 2 pommes de terre cuites à la peau, 30 g de beurre, 30 g de farine, 20 cl de vin blanc, eau, sel, poivre, un peu de chapelure et 100 g de Gruyère.
Préparation : 10 mn – Cuisson : 40 mn – Coût : * - Difficulté : *
Préchauffez le four à 175°c. Enlevez les grosses côtes des feuilles de barbe de capucin et détaillez le reste en grosses lamelles. Enlevez le bout touffu, le vert et les premières feuilles des poireaux. Coupez-les en tronçons d’un centimètre. Dans une sauteuse, faites fondre le beurre, faites tomber rapidement barbe de capucin et poireaux. Ajoutez les morceaux de sucre. Epluchez et coupez les pommes de terre cuites en petits morceaux et ajoutez-les à la casserole.
Versez la farine, mélangez et allongez avec le vin et l’eau pour avoir une belle sauce onctueuse. Salez et poivrez.
Versez la préparation dans un plat à gratin, saupoudrez de chapelure et d’une belle quantité de Gruyère. Enfournez pendant 20 à 25 mn, le temps que le dessus soit bien gratiné.
Dégustez ce plat avec une viande blanche, veau ou poulet.

23.02.2012

lundi, 13 février 2012

Saint-Jacques à la barbe de capucin

Saint-Jacques à la barbe de capucin, barbe de capucin, Alain Patinier, GAEC Patinier, Femina, La CocottePréambule
L’adresse traînait depuis des semaines près de l’ordi de la Cocotte. Un ami lui avait donnée, « vas-y, ça va te plaire » avait-il dit. Te plaire, te plaire… Il est bien gentil mais il ne sait pas que la Cocotte claustrophobe un tantinet. Un ticket pour un voyage presqu'au centre de la terre...
Un mois, deux mois, trois mois… Puis après tout elle s’était dit qu’il fallait lui faire confiance. C’est un ami, il lui veut du bien. Elle avait alors pris son courage dans la main gauche et le téléphone dans la main droite et avait appelé Alain Patinier, capucin-barbier à Faches-Thumesnil.
Très rapidement, le rendez-vous était pris, le 2 janvier à 7 h du matin, sur le parking d’un magasin de bricolage. « Rappelez-moi la veille pour confirmer », avait dit Alain.
Le matin du premier janvier, la Cocotte s’était levée dans un état proche de l’Ohio et l’estomac au bord des lèvres. Elle avait passé toute la journée, allongée sous une tonne de couettes, dans son beau Chesterfield, trois places, rien que pour elle. Toute la journée, quand les cachets d’aspirine lui permettaient d’entrevoir le jour, elle avait cherché toutes les excuses pour dire à Alain que non, elle ne se sentait pas bien, que non, elle ne pourrait pas venir le lendemain, que oui, elle était désolée, elle voulait vraiment aller au tréfonds de la terre mais que là, non, elle ne pouvait pas et qu’elle rappellerait afin de fixer un nouveau rendez-vous, dans un mois, un an, une éternité… La journée avait filé et sur le coup de 17 heures…
Reprenant son courage, cette fois de la main droite et le téléphone de la main gauche, (la Cocotte n’aime pas les habitudes, c’est si vite pris !) Elle s’était alors entendu dire, d’une voix anormalement reboostée , « Allo, bonjour Alain, meilleurs vœux, alors, c’est toujours ok pour demain, 7 heures ? » Et cet Alain lui avait répondu « oui, 7 h, parking de bric…, on a une camionnette verte, vous nous reconnaîtrez. »
Puis la Cocotte avait dit au revoir à ses enfants plus chaleureusement que d’habitude et était allée se coucher. La Cocotte n’avait pas fermé l’œil de la nuit, sentant bien que c’était la dernière. Sa vie entière avait défilé devant elle, tous ses souvenirs avaient eu le temps de revenir…  jusqu’au moment où le réveil avait sonné. 6 h, un 2 janvier, c’est n’importe quoi ! Elle s’était alors levée, lavée et avait embrassé son amoureux fougueusement, lui avait dit adieu. « Si tu n’as pas reçu d’appel de ma part à 12 h, appelle les pompiers. Dis-leur surtout de venir avec leurs chiens renifleurs. » Elle lui avait dit le plus vibrant je t’aime de sa vie et les bottes de caoutchouc, au dessus d’un pantalon ne craignant rien, elle était allée vers son destin.
A 8 h 30, elle avait envoyé un sms à son chéri. Oui, elle était ressortie du terrier, de la barbe sous le bras, le sourire aux lèvres et l’estomac remis à sa place, après avoir passé un moment d’enfer, dans une cathédrale souterraine, humide et silencieuse, au sol tapissé de ces grandes feuilles jaunes, appelées barbe de capucin, après avoir rencontré des gens très chaleureux et drôlement courageux, qui se lèvent bien avant l’aube pour récolter un des trésors gastronomiques du Nord.
A 8 h 30 il faisait encore noir, elle pouvait repartir chez elle pour entamer sa nuit. Enfin !

Saint-Jacques à la barbe de capucin chez Alain Patinier à Faches-Thumesnil
C’est parce qu’elle vous aime bien que la Cocotte n’hésite pas à mettre sa vie en danger. Pour vous, à l’aube,  elle est descendue à 12 mètres sous terre, à Faches-Thumesnil. Pour vous, elle a rencontré Alain Patinier. Pour vous, elle a récolté les feuilles d’une étrange salade, la barbe de capucin. Pour vous, oui mais aussi pour elle. Parce que la Cocotte, elle aime bien la barbe de capucin.

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Facile : 1 Cocotte, Prix : 2 Caddies, Temps : 1 horloge

Pour 6 personnes
6 coquilles Saint-Jacques, 200 g de barbe de capucin, 2 poireaux, 30 g de beurre, 1 cuillère à soupe de farine, 1 dl de Porto blanc, 2 dl d’eau, 1 citron, sel et poivre

Ouvrez les coquilles et sortez les noix de Saint-Jacques. Débarrassez-vous de la barbe autour des noix et gardez le corail, si vous voulez. Réservez dans un peu d’eau.
Coupez le bout touffu et le vert des poireaux et détaillez-les en tronçons de 2 cm. Lavez-les et égouttez-les.
Faites fondre le beurre dans une sauteuse et faites tomber les poireaux à feu doux pendant 15 minutes. Ajoutez la cuillère à soupe de farine. Mouillez avec le Porto blanc. Le sucre présent dans le vin va casser l’amertume de la barbe de capucin. Mélangez et ajoutez l’eau petit à petit, jusqu’à obtenir une sauce onctueuse. Enlevez les côtes centrales des feuilles de barbe de capucin et coupez les feuilles en lamelles. Ajoutez-les à la sauce. Laissez cuire 5 mn. Terminez la sauce en ajoutant un filet de jus de citron, salez et poivrez.
Faites chauffer un grill à feu vif et cuisez rapidement les coquilles Saint-Jacques. 30 à 40 secondes de chaque côté suffisent pour les cuire. Salez et poivrez. Dressez la sauce à la barbe de capucin sur les coquilles ou dans des petites assiettes creuses et déposez la noix de Saint-Jacques grillée dessus. Facultatif : Ajoutez quelques œufs de hareng sur les Saint-Jacques.

Saint-Jacques à la barbe de capucin, barbe de capucin, Alain Patinier, GAEC Patinier, Femina, La CocotteProducteur : Alain Patinier
Damien, c’est l’endive et le pissenlit. Alain, c’est la barbe ! Dans la famille Patinier, les tâches sont réparties. Pour ne pas que disparaisse la barbe de capucin, les deux frères décident en 2006, de s’enterrer de novembre à mars, dans les carrières de craie de Faches-Thumesnil. Et c’est Alain qui s’y colle. Dans un silence de cathédrale, parfois coupé des rires de ses ouvriers, le dos courbé pendant des heures, Alain cueille les longues feuilles jaune pâle de l’ancêtre de l’endive. « On cherchait une production originale, on a trouvé. La barbe ! »
Ferme Patinier, rue du vieux moulin, 62840 Laventie, magasin ouvert du lundi au samedi, 0321276471

Trucs et astuces
Dans le noir, à une température constante de 13°, la barbe pousse. Une fois les feuilles récoltées, gardez-les dans le papier d’emballage, dans le bac à légumes du réfrigérateur, 3 jours. Et cuisinez-les simplement. Coupez les feuilles en lamelles, dans une salade, avec une belle vinaigrette à la moutarde à l’ancienne et au vinaigre de framboise. En gratin, comme les endives au jambon. Dans une crêpe, façon ficelle picarde. Dans une purée de pommes de terre avec un peu de lard, comme une salade au lard…
Et si vous n’en trouvez pas dans les magasins ou le marché, demandez au vendeur de légumes. Il se fera un plaisir d’en trouver pour vous. C’est son métier !

Odile Bazin

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Retrouvez ce reportage dans Version Femina, supplément de la Voix du Nord, du samedi 11 février 2012, n°515, cahier central, et sur le site de La Voix pour les Femmes.